quarta-feira, 6 de outubro de 2010

Texto Alain Abelhauser

Alain Abelhauser1

Réponse

Au rapport de l’INSERM sur l'efficacité des psychothérapies, et à la question ainsi posée du bien-fondé de l'évaluation en général, il faut répondre, 'évidence. Les enjeux sont trop grands pour que l’on se taise, d’autant que le contexte politique et social favorise, bien sûr, tous les rapprochements possibles entre ce rapport et les dispositions légales actuellement prises pour définir tant un statut des psychothérapeutes que les pré-requis de leur formation.
Mais répondre comment ? Par le mépris, parce que, vraiment, ça ne érite pás davantage ? Ou par la dérision, sur le mode Cantratrix sopranica L.2, parce que cette invocation et ce culte de la science prêteraient irrésistiblement à La caricature, s’ils n’em constituaient pas déjà une comme tels ? Avouons-le : la tentation est grande. Et La lassitude qui s’éprouve à devoir sans cesse batailler contre des positions qui, nous semble-t-il, relèvent d’une régression de La pensée somme toute assez saisissante, n’est pas à négliger. N’a-t-on pas mieux à faire que de perdre temps et énergie dans dês débats et des luttes qu’un optimisme raisonnable porte à croire qu’ils retomberont d’eux-mêmes dans les décennies prochaines, parce qu’on aura tout simplement compris et admis qu’utiliser la référence à la science dans une visée de publicité comparative n’est pas de la science, mais de l’idéologie, et qu’une évaluation ne vaut, bien sûr, que rapportée à la spécificité de ses objets, et de ses enjeux?
Alors ? Convient-il plutôt, cette fois, de répondre point par point au rapport, de produire le contre-argumentaire serré qu’il appelle, parce qu'il y va, pour nous, non seulement de la crédibilité de la théorie et de la pratique analytiques, mais aussi — et surtout, peut-être — du maintien d'une orientation clinique tout entière, voire de la survie de ce qui fait de plus en plus figure d'exception française dans un monde appauvri par les dramatiques impasses du modèle de pensée américain ? Ou même, pourquoi pas, s'agit-il cette fois de passer à l’offensive, de passer au crible le rapport em soulignant les biais, les carences, les simplifications, les sauts, les erreurs, lês utilisations endancieuses d'arguments infondés, les a priori idéologiques, dont Il abonde ? En soulignant — pour reprendre des termes déjà employés, et que nous pesons — ’imposture qu’il représente, l’escroquerie intellectuelle qu’il constitue ?
Certainement. Et c'est ce à quoi nous allons maintenant nous employer, au long des pages qui suivent, chacun à sa façon, chacun avec son style propre, mais tous avec la même visée et le même souci : dépasser le plan simplement polémique et circonstanciel pour tenter de traiter, avec le plus d'honnêteté possible, la série de questions proprement nodales qui se trouvent ainsi soulevées, et qui relèvent toutes de « l'organisation » du soin psychique. Ne donnons que quelques guides à la lecture à venir. Nous vivons dans un monde où le contrat se substitue de plus en plus à la référence à la loi — selon l’analyse qu’en font Jacques-Alain Miller et Jean-Claude Milner, dans l’ouvrage récemment publié chez Grasset, Voulez-vous être évalué ? — ce qui n’est pas sans conséquences pour les sujets que nous sommes, conséquences dont l’évaluation systématisée n’est après tout qu’un exemple parmi d’autres. Si, comme citoyens, nous sommes « sous contrat » avec l’état — ce dont les universitaires éprouvent de plus en plus les effets cycliques et catastrophiques, assez voisins d’ailleurs des tornades en pays tropicaux —, alors il faut régulièrement examiner si l’un au moins des partenaires a bien effectué sa part du marché : c’est l’évaluation requise pour l’évolution du contrat. Et peu importe, après tout, que cette dernière embolise toute autre activité : devenue garante du système, elle est nécessaire à sa pérennité.
Ce processus — quoiqu’on en pense par ailleurs, et il devient urgent d’en penser quelque chose — peut-il s’appliquer à la relation thérapeutique, au «soin psychique », au domaine de la « santé mentale » ? Telle est peut-être, pour nous, la principale question, sachant que se dessine là une ligne de fracture essentielle : là ou  l’administration, les agences d’accréditation, les évaluateurs de tous poils, posent a priori que l’État est responsable de la « santé publique », c’est-à-dire en fait de l’addition de la santé de chacun, soit de la sphère la plus privée qui soit, lês psychanalystes et les praticiens du soin psychique, en général, vont revendiquer La singularité de chaque cas, de chaque cure — leur caractère, différentiel, certes, mais foncièrement incomparable l’un à l’autre, l’une à l’autre. Discordance essentielle, on le voit, positions politiques et éthiques fondamentalement divergentes, on le comprend, et de toujours destinées à s’opposer.
Le rapport de l’INSERM et la plupart de ses petits frères s’appuient, d’autre part, sur leur statut « scientifique ». Ils se référent à des méthodes, à un chiffrage, à dês concepts, à un vocabulaire aisément identifiables par beaucoup comme étant « scientifiques ». Qu’en est-il véritablement ? La liste des critiques d’une telle prétention est si longue, l’analyse de son inanité mérite d’être si détaillée, que le présent numéro ne pourra assurément les épuiser. Le chiffrage, bien sûr, ne fait pas la science. Et celle-ci ne peut guère être confondue avec la caution qu’on lui demande de fournir régulièrement. Gardons-nous, cependant, d’être trop sarcastiques à ce propos. Freud luimême
s’efforçait de donner à la psychanalyse statut scientifique, parce qu’il se préoccupait de sa crédibilité et savait bien qu’il n’y avait qu’ainsi qu’elle pourrait
l’acquérir. Mais un bon siècle après, le moment n’est-il pas venu, malgré tout, de rendre à la science sa fonction — qui n’est en aucun cas celle de constituer un argument massue, idéologique, religieux ou consumériste, du type « vu à la télé » apposé en rouge à la marge de certains types de publicité ?
Que l’on ait le souci, par ailleurs, de l’efficacité des processus thérapeutiques, que l’on accepte alors de réfléchir — honnêtement, ce qui est difficile — à ce qui La produit et la constitue, et l’on s’apercevra vite que faire la part de ce qui relève em l'occurrence de la science et de ce qui relève de la magie — disons la part de La technologie et celle de « l’efficacité symbolique », si l’on veut donner une plus grande respectabilité au propos — n’est pas chose aisée. À quoi tient le soin, à quoi tient le soin psychique, plus particulièrement, et qu'est-ce qui permet d'apprécier ses résultats (sinon,pour une part, mais pour une part seulement, ce qu'en disent ceux qui s'y sont engagés)? Soyons humbles, soyons honnêtes, soyons scientifiques, et convenons qu'il y a là justement quelque chose qui échappe par structure à la mesure, à La comparaison, voire à la mise en série, quelque chose d'un reste irréductible dont, précisément, La psychanalyse fait son objet et tire sa raison d'être.
C'est, enfin, la question de la « formation » des psychothérapeutes qui est actuellement sur la sellette, ce qui, ne serait-ce que pour ceux d'entre nous qui ont des fonctions d'enseignement universitaire dans le champ de la psychopathologie, n'est pas une mince affaire. Que l'on décrète en effet que la santé mentale de chacun est affaire d'État, que l'on définisse un statut des praticiens qui y concourent, et ce qui garantit la légitimité de ces derniers — déclinée au plus simple, c'est-à-dire en termes de formation — devient alors forcément affaire d'État à son tour. Mais qu'est-ce que garantit une formation? De quelle formation parle-t-on (celle acquise à coups de QCM, ou celle issue d'une forme moderne de « compagnonnage », que certaines associations, ou une certaine conception de l'internat, par exemple, tentent de faire revivre)? Et quelle terrible réduction ne risque-t-on pas d'opérer là, en voulant à tout prix rabattre la technicité de la formation sur l'éthique de la transmission, laquelle a su pourtant, dans ce domaine du soin psychique, survivre coûte que coûte, en France tout au moins ?
Questions cruciales, questions essentielles, on l'entend, que ce numéro de Cliniques Méditerranéennes prétend maintenant déplier, analyser. Questions éthiques, toujours, et questions politiques, plus encore peut-être. Questions posées à la psychanalyse, mettant en jeu son avenir, et, plus largement, engageant aussi celui de la clinique dans son ensemble, on l'a dit. Questions posées aux universitaires, également, à ceux qui ont encore un peu prétention à réfléchir à ce dont demain sera fait. Questions difficiles, donc, et réponses difficiles aussi, dès lors que l'on s'accorde pour récuser La tentation de la simplification, les paradis du consensus, le havre du bon sens, le bonheur des certitudes et le confort du bon droit. Réponses à lire maintenant, donc.


1 Psychanalyste, Professeur des Universités, Laboratoire de Psychopathologie et Clinique
Psychanalytique (E. A. 2242) de l’université de Rennes II.
2 cf., bien sûr, le magnifique texte, aux accents véritablement prophétiques, de Georges Perec, Cantatrix Sopranica L., et autres écrits scientifiques, Paris, Seuil, 1991, qui n’a jamais autant mérité d’être cité que maintenant.


Programação

sexta-feira, 1 de outubro de 2010

  Marcada pela era da avaliação e da quantificação, a produção científica encontra, também em seu território, uma modalidade de controle orientada pela produtividade. A questão da autoria e da originalidade cede lugar ao saber acéfalo dos enunciados científicos e à massificação reprodutiva de idéias.
  A psicanálise caminha na contramão dessa tendência mundial. Se Lacan situa na impossibilidade de uma avaliação do amor, a miragem de toda metria relativa à filia, é na (des)medida em que o amor, distintamente da admiração, não se deixa determinar pelos predicados variavelmente mensuráveis do desempenho. Por isso dizemos, a propósito da paixão da metria, cuja expansão hoje parece não mais conhecer limites, que seu furor avaliativo requer a extinção da filia. A metria é a paixão que germina no deserto da filia.
  Ao lançarmos, então, a bibliofilia contra a bibliometria, temos decerto em mente zelar pelo espaço do incomensurável no campo da pesquisa em psicanálise, em sua intersecção com o ensino universitário. Mas interessa-nos igualmente dar visibilidade institucional à crítica, que a psicanálise nos ajuda a formular, a propósito dos dispositivos técnicos de avaliação de pesquisa na universidade, submetidos a parâmetros numéricos de produtividade por período de tempo, freqüentemente realizados através da mensuração de volume de publicação. Em tais circunstâncias, não é mais o valor de uma descoberta, mas a quantidade de publicações o que progressivamente passa a definir a importância de um pesquisador. Vale lembrar que muito comumente a pesquisa original e audaciosa se vale de meios precários para se difundir, como se ilustra no caso recente do matemático Perelmann, a quem a comunidade científica deve a demonstração do agora teorema de Poincaré: não foi por meio das grandes revistas especializadas, mas através de um site internet de livre acesso que ele divulgou sua memorável descoberta.
  O risco é o de que a mediocridade se torne a norma. Sobre esse risco colocamo-nos a trabalho para evitar que, em nome da produtividade medida em termos somente quantitativos, incorrêssemos no mesmo erro. Assim, esperamos com esse colóquio, trazer à tona a contribuição para esse debate nacional, assim como fazer circular e tornar públicos os resultados de pesquisas realizadas segundo a orientação psicanalítica, especialmente no estado de Minas e a partir da pós-graduação strictu sensu da UFMG.